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 Father and son

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AuteurMessage

Je me nomme
Yolanda Yeabow

Yolanda Yeabow

Admin

✝ Arrivée à Vienne : 18/09/2012
✝ Sorts : 224
✝ Baguette : bois d'if et plume de phoenix



Father and son Vide
MessageSujet: Father and son   Father and son I_icon_minitimeJeu 14 Mar - 18:58



Father and son
★ It's not time to make a change...




Feat

▬ Yolanda Yeabow
▬ Valeri Karaiev
...
Vienne. Début février 1940. Il fait froid, terriblement froid. Dehors, il neige beaucoup. C'est un café, un café très luxueux avec un grand plafond.





« Madame Yeabow,
Nous avons dû récemment effectuer des tests sur la personne de Valeri Karaïev, le chef d’orchestre que vous devez connaître, pour s’assurer de son statut de sang.
Il s’est avéré, Madame, que nous avons été confrontés à une bien stupéfiante révélation en ce qui concerne la paternité de Karaiev, apparemment jusque-là inconnue. Il semblerait, d’après nos tests, que son géniteur soit feu Henry Yeabow.
J’ai pensé que vous auriez aimé être au courant, pour pouvoir agir en conséquent et gérer la chose comme bon vous semblera. Néanmoins je tiens à vous assurer que l’information est pour l’instant strictement confidentielle – il n’y a que vous, moi et Karaïev qui sommes au courant.
Veuillez accepter, Madame, l’expression de mes sentiments distingués,
M. Schwarz, chef du Département des Analyses médicales Magiques de l’Hôpital pour Maladies et Blessures Magiques.
»

Oh.
Oh !
Merlin.

La lettre glissa des mains de Yolanda Yeabow ; son regard devint vide ; ses doigts tremblèrent. Qu’est-ce que c’était que cette missive ? Etait-ce… Mais était-ce sérieux ? Qui était cet homme qui lui écrivait, d’abord ? Le connaissait-elle ? Oui… Oui, elle le connaissait… Evidemment… Le Directeur de… Oui. Bien sûr. Schwarz, il s’appelait. Et il se permettait ainsi de lui écrire, et de lui porter de telles nouvelles ?

Elle se redressa sur son fauteuil, et enfoui ses mains dans le pelage de l’hibou grand-duc qui avait apporté la lettre. Etait-ce sérieux ? Comment se permettait-on de transmettre de telles nouvelles avec un ton si froid…! Mais était-ce réel ? Oserait-on lui mentir, d’abord ? Oserait-on se rire d’elle sur pareils sujets ?

Non.
Non.
Elle était Yolanda Yeabow.
Elle devait simplement se calmer – reprendre ses esprits.
Et assimiler l’information.

Avant qu’elle ne puisse penser à quoi que ce soit d’autre, le visage de son père lui revint en mémoire. C’est vrai qu’il était mort prématurément, cet inconnu, et qu’elle avait été jeune, mais le portrait de lui, au Manoir Yeabow, en Angleterre, avait contribué à garder sa figure intacte dans la mémoire de sa fille. Puis il avait de grands yeux, de très grands yeux gris qu’il était impossible d’oublier. Maintes fois son regard étrange l’avait transpercée, et elle s’était sentie en sécurité.

Et il avait suffit de ce petit bout de parchemin, maintenant, de ces quelques mots de l’insignifiant Schwarz pour qu’elle sente son père revivre à travers les petites lettres noires. Comme si ses prunelles pénétrantes pourraient se poser sur elle à nouveau. Il aurait fallu qu’elle s’adresse à son portrait resté à Londres pour en savoir plus – et Dieu savait qu’elle en brûlait d’envie ! – mais elle se savait incapable, au point où elle en était, de céder à l’étreinte glacée de l’exil pour se réfugier dans les bras familiers de l’Angleterre. Le portrait de sa mère, lui, était là et bien là, dans l’un des petits salons sombres, et dardait sur elle un regard glacé, mais pour rien au monde elle chercherait à briser le silence qui les unissait comme un pacte pour l’interroger sur le sujet. D’ailleurs, sa mère avait-elle été au courant ? Sans doute pas. Il serait difficile de savoir si son père lui-même avait appris sa paternité.

Savoir qu’elle n’avait pas été son premier et unique enfant lui retournait l’âme. Elle se sentait envahie d’un sentiment brusque, chaud, dévorant, qui la faisait encore trembler un peu, et soudain la jalousie perça, et derrière ses paupières closes ne cessait de danser le souvenir d’un mort qui avait été menteur.

Oh, comme elle comprenait son Ariane, maintenant, et sa répugnance vivace des secrets ! Comme elle comprenait Ariane de condamner le mensonge à ce point et de répudier ses parents à cause de cela ! Ariane avait souffert, si terriblement souffert…

Mais ce mort avait-il donc menti en gardant le secret l’existence de ce premier enfant ? Non. Qui lui disait qu’il avait été au courant, même ? Rien ni personne ne pourrait jamais garantir quoi que ce soit.

Elle inspira.
Expira.
Profondément.

Et au diable ses sentiments !
Un peu de logique, de cette logique dont elle savait si bien être capable !

Quel âge devait avoir Karaïev ? La cinquantaine, peut-être. Soit, pratiquement dix ans de plus qu’elle. Ce n’était pas un enfant adultérin, donc. Evidemment. Juste illégitime. Et puisqu’il portait un nom qui n’était pas le sien, il…

Ah, Karaïev ! Elle avait essayé d’éloigner cette pensée de son esprit, depuis le début de sa lecture de la lettre, mais rien n’y faisait, évidemment… Il avait flotté, comme un fantôme effrayant, sur le rebord de sa conscience avant d’y plonger vivement, la prenant par surprise, de manière trop soudaine pour qu’elle puisse le retenir.

Karaïev… on dansait avec un homme, un étranger, un différent, une fois, une soirée, on riait avec lui, et une semaine après on vous envoyait une lettre pour vous dire qu’il était votre frère… Son frère… - le voilà, le mot qu’elle avait eu peur de prononcer, et qu’elle craignait encore ! Frère… frère, frère, frère… C’était cela, donc ? Avoir un frère ! Dieu ! Elle était fille unique une seconde, et l’instant d’après elle avait un frère !
Son cœur palpitait.
Frère, cela voulait dire qu’ils avaient la même chair et le même sang, n’est-ce pas ? Et, à défaut d’avoir été portés par la même mère, ils avaient le même père. Donc, le même nom, logiquement, les mêmes ancêtres illustres, et théoriquement, s’il n’avait pas été conçu hors-mariage, il aurait même pu prétendre à la fortune paternelle à sa place !
Malgré toutes ses tares et ses préjugés, Yolanda Yeabow n’avait rien contre les enfants naturels et les considérait tout autant que les « légitimes » : elle avait elle-même donné naissance à Ariane en ne s’étant jamais mariée et n’aurait pas souffert que sa fille ait moins de droit que quiconque à cause de ce statut.

Karaïev… Savait-il ?
Non, d’après le médecin, non.
C’était pour cela, d’ailleurs, qu’on lui avait fait faire des tests, n’est-ce pas ? Pour déterminer son statut sanguin.
Il n’avait été mis au courant que récemment.
Presque en même temps qu’elle.

Karaïev…
Karaïev
Ah, idiote qu’elle était ! Mais qu’elle cesse seulement de répéter son nom dans ses pensées comme une idiote ! Ce n’était pas son père, Karaïev…! C’était un reflet, seulement, un reflet de son père – et elle l’avait remarqué dès la première fois ! –une pâle copie, mais une copie vivante.

*

« Monsieur,
J’ai reçu à l’instant une missive du directeur du Département des analyses médicales magiques, et été informée des résultats des tests que vous avez passés.
J’aimerai si possible que nous nous retrouvions assez rapidement pour en parler, car je crois être concernée également par ce que je viens d’apprendre.
Merci,
Yolanda Yeabow
»

*

Le café qu’elle avait choisi était un endroit chic et lumineux. Peut-être était-ce un endroit que Valeri Karaïev n’avait pas l’habitude de fréquenter, peut-être le prix de la consommation allait-il être triplement élevé qu’ailleurs, mais Yolanda Yeabow s’en fichait. Dans ses yeux, il y avait une fierté démesurée, une fierté dorée, une fierté arrogante. Elle était l’enfant légitime ; elle était l’héritière ; elle était Yolanda Yeabow. Et c’était tout. Et bien qu’elle s’était souvenue, il y a quelques instants à peine, qu’elle ne faisait pratiquement pas de distinction entre enfant issu d’un mariage ou non – à cause d’Ariane – cette pensée paraissait lui être totalement sortie de l’esprit.

Elle s’installa dans un fauteuil écarlate, commanda un chocolat et attendit.
Elle avait appris son lien de parenté avec Valeri le matin même et, déjà s’était empressé de lui envoyer une missive – missive à laquelle il avait répondu brièvement, par l’affirmative. On était dimanche, Théodore était parti voir Alexander de bonne heure, et elle avait une journée vide devant elle. Rapidement, elle s’était dit qu’évidemment, il ne serait pas aussi libre qu’elle – il y avait une représentation, ce soir, au Staadsooper, et les opéras ne se répétaient pas seuls – mais, apparemment, il avait trouvé un moment dans sa journée à lui consacrer, en début d’après-midi. Il ne devait pas tarder, donc. Ce n’était pas le genre d’homme qui arrivait très en retard…
Le regard vague et les pensées légères, elle se demanda quel genre d’homme pouvait bien être son demi-frère. Pas plus terrible qu’elle, sans doute. Avec une nouvelle pointe de jalousie, elle se surprit encore à se demander si son père aurait préféré Valeri à Yolanda. Yolanda ressemblait trop à sa mère, physiquement déjà, mais moralement sans doute, pour qu’il l’aime, n’est-ce pas ? Il n’avait pas aimé sa mère, elle s’en doutait, elle le savait. Peut-être avait-il préféré cette autre femme, qui lui avait donné un fils et qui…

Non. Les stupides pensées suffisaient. Elle était Yolanda Yeabow, elle était digne, elle avait un statut de sang irréprochable, un rang respectable au plus haut point et une position de choix face au Maître de l’Europe ! Qu’est-ce qu’elle demandait de plus ? Elle se comparait à un musicien ? Qu’elle se retourne donc, et qu’elle regarde le chemin qu’elle avait parcouru, les embûches derrière elle, et les innombrables douleurs qui avait été semées sur son passage. N’était-elle pas fière de s’en être sortie avec des titres et des honneurs pareils ? Si elle voulait s’inquiéter de quelque chose, mais qu’elle s’inquiète donc de sa fille, seule, à l’autre bout de l’Europe ! Qu’elle s’inquiète donc du père de l’enfant qui pouvait ressurgir à tout moment pour bouleverser son existence ! Mais qu’elle ne se tourmente pas – tu entends, ne te tourmente pas, idiote ! – avec un misérable chef d’orchestre !

Enfin, il entra. Elle le vit arriver, de loin, et ne bougea pas.
Tressaillit, seulement.

Comment ! c’était lui, alors, son frère ? Elle l’avait déjà vu, elle lui avait déjà parlé, elle avait ri avec lui et dansé dans ses bras, mais maintenant c’était son frère !

Leurs regards se croisèrent. Elle s’efforçait d’adopter un air détacher.
Mais elle tressaillit, encore, parce que son regard transperçait et qu’il avait la profondeur du regard d’un mort.

Dans cette salle, la soirée où elle avait fait sa connaissance, elle se souvint d’avoir été extraordinairement à l’aise. Parce que c’était un homme et qu’elle était Yolanda Yeabow, et puis qu’elle avait su le surprendre, le faire sourire, et tisser un lien de douce sympathie entre eux.

Aujourd’hui, l’homme qui la regardait était un inconnu.
Elle tâcha d’adopter, de nouveau, un air nonchalant
Tout dans son visage était faux, toute expression était inexistante, excepté la suffisance exacerbée qui flamboyait dans ses prunelles et flamboyait sur son visage.

« Bonjour, Monsieur », commença-t-elle lorsqu’il s’assit en face d’elle.
Comment diable s’adressait-on à un frère qui était un inconnu ?
Quels étaient les mots qu’il fallait choisir pour parler à un étranger qui avait le même sang ?
Sentait-il donc, dans ses veines, déferler le même orgueil et la même passion ?

« Ecoutez, je… »
D’un coup, le masque tombe.
Le marbre s’effondre.
Les couleurs sur son visage disparaissent.
Dans ses iris, la flamme décuple.

« J’ai reçu ce matin… Enfin je voulais dit… J’ai appris notre… lien de parenté il y a peu. J’aimerais savoir… Vous n’étiez pas au courant avant de passer ces tests ? », demanda-t-elle, hésitante et totalement confuse.

Yolanda reprit, un peu plus sûre d’elle-même. « Ecoutez, Monsieur Karaïev, je tenais à vous voir pour m’assurer que cette information, entre vos mains, restera strictement confidentielle, n’est-ce pas ?»

Puis, trop rapidement dévorée par une curiosité qui la consumait depuis le début de matinée, et qui avait été amplifiée par l’envergure du choc encore frais qu’elle avait reçu, elle marqua une longue pause avant de se permettre, d’une voix très douce. « Excusez-moi, mais si je peux me permettre, qui était votre mère ? »




«L'ont hait à l'excès lorsque l'on hait un frère... »


© Never-Utopia


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Je me nomme
Valeri Karaïev

Valeri Karaïev



✝ Arrivée à Vienne : 14/01/2013
✝ Sorts : 26



Father and son Vide
MessageSujet: Re: Father and son   Father and son I_icon_minitimeDim 16 Juin - 19:47

"Monsieur Karaïev,


Nous avons reçu les résultats de vos tests. Nous nous excusons à nouveau pour les désagréments que ces mesures aient pu engendrer. Tout semble en ordre, votre sang est tout ce qu'il y a de plus pur. Cependant, je me permets de vous révéler l’identité de votre père. Ce dernier, feu Henry Yeabow, était une ancienne personnalité de la haute société sorcière. J'ai aussi pris la liberté de mettre au courant Madame Yolanda Yeabow, fille d'Henry Yeabow, soit votre sœur  J'imagine que vous comprenez pourquoi je me suis permis de lui révéler une telle information. Vous, elle et moi 
sommes les seules personnes au courant. J'ose espérer que vous saurez rester discret sur cette 
affaire.


Veuillez accepter, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués,


M. Schwarz, chef du Département des Analyses médicales Magiques de l’Hôpital pour Maladies et 
Blessures Magiques. »

Valeri, la main tremblante, posa la lettre sur son bureau. Il se leva et renvoya le hibou qui lui avait 
porté la missive, puis s'accouda à la fenêtre. Il avait une vue imprenable sur la ville ... Il pouvait 
voir le Staatsoper. Son chez lui. Le vent fouettait son visage et l'air froid qu'il respirait lui permettait 
de garder les pieds sur terre, de ne pas se perdre dans les méandres de ses souvenirs ... Il aurait pu. 
Après tout, ses souvenirs, c'est ce qu'il a de plus cher après la musique. 

Il avait toujours su que peut-être, qu’éventuellement, il apprendrait l'identité de son père. Il se 
croyait prêt. Mais est-on jamais prêt pour une telle nouvelle ? Est-on prêt à apprendre le nom de 
celui sans qui vous n'auriez pas existé et qui aurait pu vous sauver de la misère ? Celui qui après 
vous avoir créé vous a abandonné ? Probablement pas.

Il posa un doigt sur ses lèvres et ferma les yeux, chose qu'il faisait toujours lorsqu'il devait réfléchir 
... Et Dieu qu'il avait besoin de réfléchir.

L’identité même de son père lui importait peu. Auparavant, il s’imaginait fils d'un moldu. Sans réelle 
raison. Ou bien fils d'un ivrogne, fils d'un pauvre. Mais avant tout, fils d'un russe. Elle devait être là 
sa déception. Lui s’était toujours senti tout ce qu'il y avait de plus russe, et rien d'autre. Absolument 
rien d'autre ...

Et le voilà. Fils d'un noble.

Et le voilà. Fils d'un riche.

Et le voilà. Fils d'un anglais.

Et comble de la misère, le voilà fils d'un illuminé, dans le mauvais sens du terme ..

Il suffisait de voir sa fille.

Bien sûr, cela ne change en rien Valeri. Valeri est toujours Valeri. Valeri Karaïev. Valeri Yeabow ? 
Non. Ça sonne si mal.

Il était fier de son nom. Karaïev. Ce nom qu'il a porté toute sa vie. Le nom d'une pauvre musicienne, 
d'une russe maigrichonne, d'une pute des bas quartiers de Moscou, d'une femme qui aurait été la 
plus belle de toutes si elle avait pu se parer des bijoux et des étoffes luxueuses que se réservaient 
toutes ces idiotes de sorcières ; celles qui ne mériteraient jamais leurs petits plaisirs comme la mère 
de Valeri les aurait mérités. Qu'est-ce qu'elle méritait plus que quiconque une vie meilleure que 
celle qui lui avait été offerte. Klavdia, pauvre folle. Ton fils t'aurait tout donné. Tu aurais vécu 
aisément, dans les plus beaux quartiers de Vienne. Il t'aurait offert le plus beau des pianos Stainway 
! Tu aurais admiré les plus grands ballets, ceux que tu aimais tant ! Tu aurais assisté aux plus 
grandioses des concerts -dirigés par ton Valeri-. Tu aurais fini tes jours paisiblement, fière de ton 
fils. 

Henry Yeabow ... Qu’était-il pour sa mère ? Une brève rencontre ? Un client ? Une relation stable 
avec un lâche ? Non. Sa mère n'aurait jamais accepté un anglais comme partenaire. Un client 
sûrement, de passage à Moscou ... 

Cet homme n'était rien pour Valeri. Il était mort, il n'avait jamais existé. Où était-il lorsque Valeri 
était tombé d'un arbre et s'était cassé une jambe ? La figure paternelle qui aurait accouru et l'aurait 
porté jusqu'à son lit ? Où était-il lorsqu'il avait gagné son premier concours haut la main ? Où 
étaient le regard fier et la main ébouriffant ses cheveux chaleureusement ? Sa mère avait tout fait. 
Sa mère et son peuple. Des alcooliques et des abrutis ont été son père à la place d'Henry Yeabow. Ils 
lui ont appris à cracher, à jurer, à jouer au poker, au bras de fer, à se battre, à boire et à baiser ; 
mais aussi à rire, à aimer et par-dessus tout, à être lui-même.   

Le chef d'orchestre ne bougeait pas et fixait l'horizon, pensif. 

Il n'a jamais existé pour toi Valeri, mais il a existé pour ta sœur... Il l'a prise dans ses bras, peut-
être l'a-t-il aimée. Il lui a tout donné. Tout. Yolanda ... Avait-elle aimé cet homme ? En gardait-elle 
un bon souvenir ? Lui avait-il légué sa culture musicale ? S'était-il intéressé ne serait-ce qu'un peu à 
ce qui faisait vivre Valeri chaque jour ? Tant de questions sans réponses. 

Pourquoi  elle ? Pourquoi pas lui ? N'était-il pas assez bien ? Non, c'était différent. Henry Yeabow 
avait-il jamais su que son fils existait ? S'il l'avait sû, pourquoi ne l'avait-il pas contacté ? Il était 
digne de n'importe quel aristocrate pompeux de n'importe quelle société ! Il était même digne d'un 
roi ! Il était arrivé jusqu'ici seul ! Que lui aurait-il fallu d'autre ? Une mère différente, anglaise, 
sotte, qui ne se serait pas opposé à son mari et qui se serait pliée à n'importe lequel de ses caprices 
? C'était impossible qu'il sache que Valeri était son fils. Il l'aurait contacté. N'importe quel homme 
sensé l'aurait contacté. 

Pourquoi se sentait-il si bouleversé ? Ce n'était pas son père. Le père d'un enfant est celui qui l'élève, 
celui qui l'éduque. Valeri n'avait pas de père. Il avait une mère, il avait la Russie. 

Ça suffit.

Il referma la fenêtre et se retourna. Ses yeux rencontrèrent son piano à queue, trônant au milieu de 
son séjour ... Il s'avança calmement vers lui et s'assit. Il effleura les touches du bout des doigts en 
fermant les yeux. Il prit une profonde inspiration ... et n'eut pas la force de presser une touche. 

Que lui arrivait-il ? 


Pourquoi ? 


Non !

Était-il perturbé à ce point par cette nouvelle ? Il passa une main lasse dans ses cheveux. Comment 
y remédier ?... Sur son bureau, tout le matériel pour écrire une lettre l'attendait ... Mais on l'avait 
devancé sembla-t-il, lorsqu'un hibou se posa à la rambarde de sa terrasse. 

____

"Mademoiselle Yeabow,


J'ai conscience qu'une entrevue s'impose dans pareille situation. Je ne pourrai hélas vous rencontrer 
ce matin. Seriez-vous libre vers seize heure ? 


Bien à vous,


Valeri Karaïev."

_____



"Monsieur ?... Monsieur !"

Valeri releva la tête, tiré de ses pensées.

"Hmm ?...

-J'ai terminé ..." dit la chanteuse en le scrutant.

"...Ah oui..." observa-t-il après un moment de réflexion.

Il la contemplait, depuis son siège, sans rien dire. Il la connaissait à peine, quel était son prénom 
déjà ? Il n'avait pas écouté un seul moment ce qu'elle faisait. Elle aurait pu lui chanter une chanson 
de Sinatra, il n'aurait pas réagi autrement.

"Merci pour votre prestation mademoiselle. Faîtes la même chose ce soir et ce sera très bien !" fit 
une voix derrière eux. Valeri savait très bien à qui elle appartenait.

La jeune femme s'inclina puis quitta la scène. Valeri quant à lui reposa sa tête contre son poing et 
fixait à nouveau le vide, perdu. Vincent, son soliste, vint s'asseoir à ses côtés.

"Quelque chose vous tracasse. C'est bien la première fois que je vous vois si peu attentif Valeri."

Le chef d'orchestre hocha doucement la tête. 

"Excusez-moi Vincent ... Je ne sais même pas comment je vais pouvoir assurer la représentation de 
ce soir à vrai dire."

Vincent posa une main rassurante sur son épaule.

"-Ne vous en faîtes pas. Nous sommes prêts. Nous ne vous laisserons pas tomber. Je peux continuer 
les répétitions à votre place si vous le désirez.

-Ce ne serait pas de refus," soupira Valeri. "Quelle heure est-il ?"

-Quatre heure moins le quart."

Valeri se leva et saisit son manteau. 

"Je dois filer. Merci Vincent. Je vous fais confiance.

-Et vous avez bien raison !" répondit-il avec un sourire.

Il lui adressa un léger signe de tête puis quitta la salle de concert.



___



Dehors le ciel était gris, comme son humeur. Il n'avait même pas su mettre cette histoire de côté 
pour se concentrer sur l'orchestre. Il marchait, fixant le sol, plongé dans ses pensées. Il bouscula 
même trois personnes, trop occupé à vagabonder dans ses idées noires pour les éviter. Lui et 
Mademoiselle Yeabow s'étaient donnés rendez-vous dans un des cafés sorciers de la ville. Encore et 
toujours des aristocrates pédants et orgueilleux. Sa très chère "soeur" -car c'était ce qu'elle était à 
présent- me se mêlerait point à la basse société de Vienne voyons.

Une femme de son envergure !

Une femme de sa pourriture ...

Un profond sentiment de dégoût envahit Valeri ... Cette espèce de harpie partageait donc son sang ? 
Et il devait juste faire mine de l'accepter ? Parce que c'était ce que voulait la bienséance ? 

Valeri poussa la porte de l'établissement. Il balaya la salle du regard et la vit, majestueuse, assise 
dans le plus remarquable des fauteuils, un siège en velours rouge près de la fenêtre. La lumière 
éclairait son visage, elle était radieuse. La voici donc, sa sœur, sa chair et son sang. Comment 
devait-il se comporter ? Leurs regards froids et fiers se croisèrent. Cette fierté qui dégoulinait autant 
chez elle que chez lui. Mais elle ... Elle n'avait aucune raison d'avoir un tel regard. N'importe qui 
aurait pu en arriver là où elle était. Elle lui avait semblé différente lors de leur première rencontre, 
alors qu'elle les incarnait tous : elle incarnait cette noblesse, cette aristocratie immonde, pauvre et 
vile.

"Bonjour Monsieur ..." dit-elle poliment. 

Valeri ne lui répondit que par un léger hochement de tête. Les mots ne sortaient pas. Les mots ne 
sortiraient pas. Pas pour elle.

Les sorciers autour d'eux conversaient, les tasses et les cuillères tintaient. Valeri trouvait 
habituellement ces sons agréables car ils ressemblaient à des clochettes mais ils lui donnaient la 
migraine à présent.

Yolanda Yeabow était belle, c'était indéniable. Elle se complaisait dans cette beauté, mais se rendait-
elle seulement compte qu'elle pourrissait de l'intérieur un peu plus de jours en jours ? Qu'elle 
n'aurait plus rien d'ici trente ans ? Qu'elle serait vieille, décharnée et par-dessus tout, seule ?

Valeri n'aurait su dire si la haine qu'il ressentait envers elle était justifiée. Lui était-elle réellement 
adressée ? Ou était-elle adressée à son... leur ! père ? C'était très probable ... Dans trente ans, cette 
femme, il lui restera l'héritage, le nom et peut-être même cette valeur inutile appelée  "honneur". 
Valeri, dans trente ans, sera mort. Mais son nom restera. Il le sait. Yolanda Yeabow, comme son 
père, sera oubliée.

"Écoutez, je..." commença-t-elle.

Son expression changea soudainement. Elle semblait être tout aussi perdue que Valeri. 

"Je n'aurais jamais soupçonné quelconque lien de sang entre nous ..." dit-il enfin, après qu'elle lui 
aie posé la question.

Comment aurait-il pu ? Ils ne possédaient rien en commun. 

RIEN.

À part leur père. À part leur fierté. À part leur soif de reconnaissance. À part leur amour pour les 
choses raffinées. À part la passion et la fureur qui les avaient toujours habités. Il leva les yeux vers 
elle.

"Excusez-moi, mais si je peux me permettre, qui était votre mère ?"

Valeri cligna des yeux, abasourdi. Comment osait-elle ? Si quelqu'un devait poser des questions ici, 
c'était bien lui !  Elle n'était même pas digne de prononcer le prénom d'une femme comme Klavdia 
Karaïev. Il détourna les yeux. Il ne voulait pas parler de sa mère. Non qu'il avait honte, bien au 
contraire, mais les gens avaient tendance à le prendre en pitié lorsqu'il il racontait son histoire. 

Il comprenait néanmoins les questions de Yolanda Yeabow. Elle devait bien se demander qui était 
donc cette femme qui avait possédé son père avant sa mère. 

"Ma mère ... était une femme fantastique ..." commença-t-il. "C'était une prostituée des bas-fonds 
de Moscou. Elle m'a élevé et m'a aimé. Seule."

Il prit soin d'appuyer sur le dernier mot.

"Elle était la meilleure mère qui puisse être. Elle m'a appris les bases de la musique..."

Valeri se dit qu'elle en savait assez. À son tour de poser des questions.

"Votre ... Notre père ... Y aurait-il quelconque chance qu'il fut au courant de mon existence ?"

La réponse à cette question le terrifiait. Et Valeri était rarement terrifié.

"Quel genre d'homme était-il ?..."
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Je me nomme
Yolanda Yeabow

Yolanda Yeabow

Admin

✝ Arrivée à Vienne : 18/09/2012
✝ Sorts : 224
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Father and son Vide
MessageSujet: Re: Father and son   Father and son I_icon_minitimeLun 17 Juin - 9:42

Au regard dédaigneux de Karaïev, à sa mine sombre et à son expression effrayante, Yolanda se sentit recroqueviller. Elle ne put s’empêcher de se sentir très coupable – car il lui parut qu’elle venait de commettre une très grande faute ! – et voulut se  repentir.
 
Et soudain – très rapidement ! – dans le même spasme nerveux, son corps se contracta, son esprit se compressa et son âme ploya – ploya !
C’était chaud. C’était dur. C’était colère.
Tout se mêlait dans un tourbillon atroce – et ses pensées, et ses craintes, et ses souvenirs ! Puis les yeux méprisants que son frère dardait sur elle ne faisaient qu’empirer les choses, qu’accélérer le rythme de la valse, qu’amplifier son malaise !
 
Mais il était là. Yolanda le sentait. Ca calmait le mal-être. Son parfum lui écorchait les narines ; son regard flottait sur elle ; et son rire bourdonnait partout sans qu’elle ne parvienne à l’attraper. Papa. Il avait quarante ans, comme au moment de sa mort, sauf qu’il se tenait là, bien vivant, entre eux deux. Ses lèvres s’étaient légèrement étirées en un bref sourire, il paraissait calme et détendu, mais il était impossible d’ignorer le poids de ses deux iris gris et bienveillant.
Il était là. Son père. Leur Père. .
C’était un fait.
 
Forte de cette certitude, armée de son souvenir, Yolanda s’autorisa à regarder Karaïev en face, moins coupable. Bien sûr, elle n’avait pas fait de belles choses. Evidemment, elle était haïssable, et elle le concevait parfaitement – sa fille la haïssait ! Mais ce n’était pas le moment de s’en rendre compte. Ce n’était pas le moment de vouloir lui faire payer ses torts. Valeri avait été admirable, l’autre soir, quand elle l’avait abordé et qu’ils avaient dansé ensemble. Comme l’on pouvait juger quelqu’un sévèrement, lorsqu’on savait que c’était notre frère !
 
Il n’avait aucune raison de lui en vouloir – pas plus que lors de la danse, l’autre soir. Ils avaient ri, l’autre soir. Ils s’étaient découverts un même intérêt pour la musique, un même orgueil, des pensées communes. Etait-ce donc sa faute à elle, Yolanda, s’il avait grandi toute sa vie avec un père absent ? Et elle ? Elle ? Pouvait-on pour autant prétendre qu’elle avait vécu dans une famille heureuse ? Pouvait-on lui envier son enfance, maintenant ? S’imaginait-il seulement qu’il avait pu souffrir autant qu’elle ? Haha.
 
Lorsqu’il ouvrit la bouche pour la première fois, ayant assisté à la confusion de Yolanda, il rétorqua durement qu’il n’avait jamais soupçonné leur relation.
 
« Moi non plus, bien sûr », rétorqua-t-elle d’une voix douce – elle ne pouvait pas s’empêcher d’être douce. « On ne devine pas ces choses-là. Mais vous savez, ce n’est que du sang… »
 
Par cela elle entendait qu’il n’était pas forcé de s’arracher les cheveux parce qu’il venait de la même famille qu’elle. Il était déçu – soit. Elle le comprenait. Il ne l’aimait pas – soit. Elle l’approuvait. Il considérait sans doute qu’il n’avait pas besoin de Yeabow comme figure paternelle, qu’il était supérieur à toute sa famille, que la naissance ne changeait rien – soit. Alors qu’il cesse de la regarder avec ces grands yeux ! Lui avait-elle demandé de venir passer le prochain Noël avec elle, en famille ? Il n’était même pas obligé de reconnaître ce lien de parenté !
 
Oui, elle lui avait demandé qui était sa mère. Oui, c’était peut-être indélicat. Oui, elle s’en rendait compte. Mais diable ça ne pouvait pas lui faire tant de mal que ça de lui répondre ! Puis s’il le voulait, il avait bien le droit de s’abstenir de lui parler – il le savait !
 
Mais il parla, il répondit, il obéit – comme un enfant sage. Et ses mots lui parurent tranchants et vifs comme la lame d’une guillotine. Oh ! Pas qu’ils ne lui firent mal – il en fallait plus que cela pour la faire souffrir – mais la froideur avec laquelle il lui parlait avait quelque chose de brutal, et de désagréable.
 
Une prostituée. Cela surprit Yolanda, en premier lieu. Que son père ait eu des aventures avant son mariage tardif ne l’étonnait guère, mais elle ne pouvait concevoir qu’il soit allé fréquenter des filles publiques. Cela ne collait pas à l’image qu’elle avait gardé, et à ce qu’on lui avait raconté. Oh, on pouvait protester, dire qu’elle était jeune lorsqu’il était mort, cela ne changeait rien –et ce que Karaïev commençait à lui raconter l’intriguait profondément.
Etait-il possible que son père l’ait aimée, alors ? Cette femme ? La mère de son demi-frère ? Pour avoir été amoureuse de Jonathan Crewe, Yolanda savait qu’on ne contrôlait pas ses sentiments… Alors…
                                          
Il poursuivit en disant que sa mère était parvenue à l’élever seule, insista sur l’amour qu’il avait reçu et sur la femme merveilleuse qu’elle avait été pour son fils.
Cette suite fut comme un coup de poignard.
Une prostituée !
Yolanda Yeabow était une mauvaise mère ; Yolanda Yeabow avait brisé la vie de son enfant ; Yolanda Yeabow était du sang le plus pur qui soit – et une prostituée, une prostituée qui traînait dans « les bas-fonds de Moscou » avait été capable d’aimer sainement son enfant, de se faire aimer de lui, d’être bonne et d’éclairer son existence en lui donnant un sens – en lui apprenant la musique. Qu’est-ce qu’elle-même avait appris à Ariane ? Le mensonge ? L’orgueil ? La méchanceté ? Les secrets ?
Elle jeta un regard à son père, qu’elle sentait toujours présent entre Valeri et elle, mais il paraissait ailleurs. Dieu ! Qu’elle avait honte ! Une femme qui se vendait avait plus de mérite qu’elle.
 
« Alors, j’admire cette femme d’avoir su être une bonne mère… », murmura-t-elle, très sincère et un peu timide, en restant douce et en gardant une voix basse.
 
Ensuite elle dû se mordre la lèvre, dans un geste prompt, pour ne pas laisser les larmes contenues gicler, et pour ne pas paraître faible une seconde devant son demi-frère. Ariane, Ariane, Ariane… Comment la jugerait-on ? Ariane, Ariane, Ariane… Mon Ariane…
 
« Je ne sais pas. Je suis désolée… Je ne crois pas… Je ne crois pas qu’il ait pu être au courant… Il aurait assumé… sa paternité, sinon. », répondit-elle, toujours avec beaucoup d’humilité.
 
Cependant quand Valeri voulut savoir quel genre d’homme était son père – leur même père ! – elle ne put réprimer un sourire. Alors il n’était pas totalement froid, alors il n’était pas totalement indifférent…
 

« Oh, ce n’était pas un homme comme les autres. Ne l’assimilez pas à mon monde, ne l’assimilez pas à moi et à mes amis vaniteux. Il leur était supérieur à tous, et ça se sentait. Tout le monde le respectait profondément. Tout le monde. Il avait fait des sacrifices dans sa vie. Il avait un sens de l’honneur et du devoir extrêmement prononcés. Je ne crois pas – pas vraiment… — qu’il ait été un homme mauvais, non… Au contraire. Et il était très beau – vous lui ressemblez beaucoup. Je l’avais remarqué, déjà, l’autre soir, mais je n’imaginais pas… Enfin… Je ne peux pas vous en dire plus, Monsieur. Je l'aimais beaucoup... Mais j’étais très jeune lorsqu’il est mort. »
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MessageSujet: Re: Father and son   Father and son I_icon_minitimeLun 26 Aoû - 19:22

Valeri ne comprenait plus. Il était perdu. Qui était cette femme en face de lui ? Cette femme douce,
souriante, compréhensive ... Le bras droit d'un fou à lier ? Elle ? Il était le plus désagréable des
deux à la table pourtant ! Il la contemplait, troublé. Pourquoi le répugnait-elle à présent ? Qu'avait-
elle fait, à part partager son sang ? Elle avait mené à la mort des centaines d'innocents, mais ceci
était déjà vrai lorsqu'ils avaient partagé une danse ensemble et il ne s'était pas montré plus
venimeux alors. Peut-être la distance entre eux lui avait-elle permis de la voir comme n'importe
quelle autre femme. Mais à présent ...

Mais ils n'avaient point besoin de partager le moindre sentiment fraternel. Leur relation pouvait
s'arrêter là, si l'on pouvait appeler cela une relation : des sourires froids, des salutations lointaines.

Pourquoi cela faisait-il si mal de savoir que sa sœur était étroite d'esprit et faisait entrave à la
liberté d'autrui ? Sa petite sœur ... Valeri aurait aimé la prendre sous son aile, la chérir et lui tenir
la main sur la longue route semée d'embûches qu'était la vie. Il visionnait dans sa tête deux enfants
dessinant des clés de sol dans la terre. Et s'ils avaient été une famille unie ? Yolanda Yeabow serait-
elle la même ? Serait-elle à la tête de la résistance ? Probablement ... Tout n'était-il donc que
question d'éducation ?

Valeri comprenait à présent d'où son mal-aise provenait. Sa famille avait toujours été la chose la
plus importante à ses yeux. Contrairement à ce que l'on pouvait croire, cette dernière ne se
résumait pas qu'à sa mère, bien sûr que non ! Lavr était son frère. Roman avait été un oncle, la
vieille Anya, leur voisine, une grand-mère. Il se souvenait d'une multitude de prénoms, d'une
dizaine de visages, tous plus chers à son cœur les uns que les autres. Mais que sa propre sœur soit
ce qu'elle était le rendait malheureux : une femme sublime, intelligente, perspicace et qui ne
pouvait pourtant pas voir plus loin que le bout de son nez. Il voulait lui faire comprendre. Il voulait
être fière d'elle. C'est tout ce qu'il désirait.

L'expression du russe se fit plus douce. Qu'importe que son père ait su ou non pour lui. Il était mort
et ne comptait plus à présent. Non, ce qui comptait a présent, c'était sa petite sœur.

Je vais te rendre la vue Yolanda. Je vais te faire entendre. Tu pourras écouter à nouveau et ignorer
les sons criards qui t'entourent chaque jour. Je ferrai tout ce qui est en mon pouvoir.


Valeri se fit la promesse silencieuse de lui montrer ce qui était juste à ses yeux. Puisque c'est ce
qu'un grand-frère est fait pour, après tout. Il se sentait responsable d'elle. Il ne le lui dirait jamais
bien entendu, elle était le genre de femme qui répondrait qu'elle pouvait très bien s'occuper d'elle-
même. Cependant, Valeri pouvait très bien voir qu'elle était brisée. Cela se voyait dans son sourire.
Et si Yolanda refusait Valeri, soit. Il l'oublierait. Oublier les gens, il savait faire.

Valeri eu le sentiment que Yolanda était troublée lorsqu'il lui parla de sa mère. La pensée de son
père avec une autre femme était-elle la raison de sa gêne ? Il sondait son regard sans vraiment
trouver de réponse. Tout ce qu'il pouvait voir, c'était de la douleur. Et un désespoir profond...

"Si je puis me permettre, votre père a rencontré ma mère très jeune. Vous n'étiez pas née, il n'était
probablement même pas marié ... Ma naissance n'en fait pas un homme moins honorable,
" dit-il
avec un sourire rassurant. "La façon dont vous parlez de lui ... Il devait être exceptionnel."

Valeri n'était qu'à moitié sincère ici. Bien sûr, Yolanda semblait porter à son père beaucoup
d'affection. Mais un parent est Dieu aux yeux d'un enfant. Il avait tout de même du mal à imaginer
un homme avec un sens de l'honneur supportant les idées de Grindelwald. Pour lui, l'essence même
des discours du mage noir étaient dépourvus de cette notion floue qu'est l'honneur. Une question à
propos d'Henry Yeabow le taraudait, mais il n'osait la poser ... Le sujet de leur parenté semblait la
mettre mal à l'aise, aussi décida-t-il de changer de sujet.

"Je suis arrivé à Vienne il y a ... oh, je ne sais même plus. Un petit moment disons. Mais je n'ai
jamais eu l'honneur de faire sa connaissance. Quoique, j'imagine qu'il vivait plutôt en Angleterre
non ?
"

L'Angleterre. Ce pays manquait beaucoup à Valeri. Londres était aussi belle que Vienne. La Tamise,
le palais, les parcs ... Il avait appris à parler anglais là-bas. Très vite il apprivoisa cette langue. Elle
était si simple comparée au russe. Il la trouvait d'ailleurs plutôt ... vide. Il avait conscience que sa
langue pouvait sembler dure dans ses sonorités, mais aux oreilles de Valeri, Shakespeare était
insipide face à Dostoïevski.

"J'ai été à Londres dans mes voyages. Êtes-vous de la région londonienne ou d'ailleurs ?"

Valeri ne savait pas vraiment pourquoi il posait tant de questions. Il avait juste envie de la
connaître. Elle qui aurait pu changer sa vie s'il avait pris connaissance de son existence bien
auparavant. Valeri avait seize ans à la naissance de Yolanda. Quelques années avant qu'il n'ait eu à
quitter Moscou. Et s'il avait su, peut-être serait-il allé en Angleterre pour rencontrer une petite fille,
une petite sœur ? Rencontré un père ? Dans une autre vie, éventuellement, il y penserait.
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MessageSujet: Re: Father and son   Father and son I_icon_minitimeLun 26 Aoû - 20:19

En voyant le visage de Karaïev se détendre, en sentant sa voix s’adoucir, et en voyant son regard s’attendrir légèrement, Yolanda sentit une chaleur intense inonder la région de son cœur. Personne ne lui avait jamais parlé avec autant de douceur, et personne ne s’était jamais intéressé à elle de la sorte auparavant.

Oh, bien sûr, il y avait eu Jonathan, qui avait, disait-il, été profondément amoureux d’elle. Il y avait eu également Ariane, dans son enfance, avant qu’elle ne fût enlevée, qui se révéla inépuisable source de tendresse. Et enfin, maintenant, il y avait Théodore, dans les bras duquel elle se blottissait avec reconnaissance, le soir.

Mais Jonathan avait connu un mensonge seulement, Ariane n’était pas en âge de se souvenir d’autre chose que de sa haine, et Théodore – elle n’avait pas besoin de preuves pour cela – préférait avant tout le plaisir qu’elle lui donnait et la vengeance qu’elle était aux yeux de son frère.

Et Yolanda ne s’était jamais plainte de cela. Les Crewe avaient leurs raisons d’agir avec elle comme ils le faisaient. C’était la vie.

Seulement, maintenant…! Elle avait un frère.

« Oh… exceptionnel… Il l’était, je crois… Il était très désintéressé, il ne s’occupait pas de la politique ou de ces choses… Mais après tout, je ne peux pas me fier à mes souvenirs… Comme je vous l’ai dit, j’étais très jeune lorsqu’il est mort. »

Le sourire rassurant de son demi-frère l’encourageait à parler. Se souvenir de son père, c’était arracher le masque de tous les jours – le masque vieux de décennies ! – pour revenir à l’enfance, la douce enfance, la pure enfance… Elle n’avait pas été facile, cette enfance, bien sûr… Mais Yolanda, en y repensant, se sentait légère. Tout avait été brumeux, tout avait été douloureux, beaucoup de choses étaient incertaines, sauf qu’en remontant loin dans ses souvenirs, elle se retrouvait à coup sûr face à la figure de cet homme chéri, et elle se sentait heureuse. Son père était désormais l’allégorie de son enfance.

Oh ! la sorcière prenait plaisir à en parler à Karaïev… Elle n’avait jamais rien dit à personne, dans son entourage ! Et l’homme en face d’elle – son frère, son sang ! – semblait si compatissant… Yolanda avait l’impression d’avoir sept ans à nouveau, d’aimer cet homme de toute son âme et d’être certainement aimée de lui. De sa mort jusqu’à l’apparition de Jonathan, elle n’allait plus jamais aimer…

Elle esquissa un sourire timide, ne sachant plus très bien ce qu’elle était… Elle se sentait si hésitante devant cet homme… Pas angoissée, non… Elle était bien… Juste… Elle ne savait pas, tout était confus, mais c’était doré et un peu sucré à la fois, ça avait un goût d’enfance…

« Oh, oui, il n’est jamais venu à Vienne – enfin, d’après ce que je sais. C’était ma mère qui était autrichienne. Ma mère… Vous savez comment sont ces unions qu’on arrange… Eh bien, on avait décidé qu’ils se marieraient. C’était profitable aux deux familles, vous voyez ? Alors, on l’a faite venir… – ma mère – elle est allée en Angleterre, mais ils étaient très différents… Cette femme était affreuse. Ils ne s’entendaient pas… Je la haïssais… »
Elle sourit davantage lorsqu’il parla de Londres.

« Oh, vraiment ? Est-ce que vous avez aimé l’Angleterre ? Moi, quand je suis allée en Russie pour la première fois, j’ai adoré les paysages… C’était tellement différent de ce que j’avais vu avant… »

Et Yolanda se sentait rajeunir de vingt ans au contact de cet homme.

« Non, je ne suis pas de Londres exactement… J’ai travaillé là-bas… Mais le Manoir de ma famille se trouve dans le Yorkshire… »

Et elle était intéressée par cet homme, cet étranger qui avait le même sang, elle voulait en savoir plus sur lui.

« Mais vous vivez seul ici à Vienne ? Vous n'avez pas de famille ? »

Puis elle prit conscience de sa trop vive expansion…

« Excusez-moi, Monsieur. Tout cela ne doit pas beaucoup vous intéresser… Je me suis permise trop de liberté. Cependant, vous savez… Je me dis... Il aurait peut-être été intéressant de nous rencontrer plus tôt, n'est-ce pas ? »
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MessageSujet: Re: Father and son   Father and son I_icon_minitimeLun 26 Aoû - 21:51

L'air avait changé. Les regards s'étaient adoucis, les sourires naissaient sur les lèvres et le café
viennois retrouvait sa douce luminosité ainsi que ses charmants tintements ...

"Je suis désolée que vous n'ayez pu profiter d'une bonne relation avec votre mère. J'étais proche de
la mienne. Elle vous aurait ... beaucoup appréciée je pense. Elle était douce, plutôt passive. Mais
elle a toujours admiré les gens comme vous, qui savent ce qu'ils veulent et qui ont le cran de
s'exprimer.
"

Valeri se serait-il entendu avec Henry Yeabow ? Peut-être. Le russe ne cessait de se poser des
questions sur un passé inexistant. C'était inutile, et pourtant il ne pouvait s'en empêcher.  Parler de
sa mère le peinait grandement. Trop de souvenirs dans lesquels il pouvait se perdre. Son sourire,
ses mains, sa musique ... Elle, toujours présente pour le consoler et pour lui porter soutien. Il avait
grand mal à s'imaginer une mère froide et "affreuse". Si les parents de Yolanda ne s'étaient pas
aimés, sûrement se demandait-elle si son père avait aimé Klavdia. Cette question resterait hélàs à
jamais sans réponse.

Le chef d'orchestre pouvait bien voir que ce type de conversation était tout nouveau pour Yolanda.
Elle restait hésitante, mais dès qu'elle se jetait, elle ne s'arrêtait plus. C'était touchant. Touchant
comme lorsqu'une petite soeur se confiait à son grand frère. Bien sûr, leur relation resterait
toujours assez lointaine. Les farces, les sourires complices ou les piques moqueuses ne verraient
jamais le jour. Mais il naquit une petite tendresse inexplicable ...

"Londres reste l'un de mes souvenirs les plus chers. Je me souviendrai toujours débarquer du
bateau, sans rien sur le dos, avec mon violon ... Je ne savais même pas parler anglais figurez-vous.
Mais les rues, les sons, les odeurs ... J'étais enchanté. J'y suis resté cinq ans. Vous ne l'avez peut-
être pas perçue comme moi, certainement pas même. Je l'ai vue à travers les yeux d'un jeune et
pauvre immigré. Mais vous avez dû voir des endroits dont je n'aurais pu soupçonner l'existence
alors.
"

Elle mentionna la Russie et le regard de Valeri se fit absent. Une multitude d'images refit surface ...

"La Russie... Cela doit faire plus de trente ans que je l'ai quittée. Je ... Je ne peux pas y retourner.
Et pourtant je donnerais tout ce qui est en ma possession pour revoir Moscou ne serait-ce qu'un
instant ..."

Il soupira imperceptiblement. Parler de la Russie restait une grande épreuve pour lui. Il n'avait
jamais raconté sa jeunesse et son rôle politique à quiconque. Cette blessure vieille qu'il croyait
cicatrisée était encore une plaie béante.

"Je n'ai jamais vu le Yorkshire. Peut-être la prochaine fois que je serai de passage en Angleterre,"
dit-il.  

Il ne pouvait s'empêcher de sourire en voyant sa sœur s'ouvrir à lui ainsi, s'intéresser à lui. Il avait
pour habitude les conversations vides et les échanges simples quand il parlait à des gens de la
stature de Yolanda Yeabow ... Les conversations comme celles-ci se faisaient au Volksoper avec un
étranger, ou autour d'un verre d'alcool avec un musicien de son orchestre.

"Je suis seul à Vienne. La seule véritable famille que j'ai jamais eue a disparu depuis un moment
maintenant. Ne me regardez pas comme ça, la solitude a ses charmes. Et puis ... je ne suis jamais
vraiment seul,
" ajouta-t-il avec un sourire en coin.

Non. Il n'était jamais seul. Si la solitude le rongeait, elle disparaissait dès qu'il saisissait son violon,
appuyait sur les touches de son piano, ou partait se réfugier au Volksoper : la musique serait
toujours à ses côtés. Elle était son amie, sa confidente, son amante. Il n'avait plus besoin d'autre
chose. Cela pouvait paraître fou aux autres, mais c'était ce qu'il ressentait.

"Au contraire Mademoiselle. Je trouve cette conversation agréable. Elle est simple, honnête."
Dépourvue d'orgueil. "C'est agréable de voir les masques tomber de temps à autres.
"

La dernière remarque de sa petite sœur le fit sourire un peu plus.

"En effet ... Si j'avais eu connaissance de votre existence à l'époque de mes voyages, je serais venu
vous voir. Soyez en certaine.
"
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MessageSujet: Re: Father and son   Father and son I_icon_minitime

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